Introduction aux vins secs du Douro [French]
Posted: Thu Jul 06, 2006 9:07 am
Introduction
Étant passionné et grand amateur de la région du Douro au Portugal, c’est avec plaisir que je vais tenter de vous faire découvrir périodiquement un nouvel aspect de cette magnifique région. Je vais essayer le plus possible d’écrire des textes assez courts rapportant l’essentiel de l’information. Je suis par contre très ouvert à vos questions qui découleront de mes textes et je vous répondrai le plus précisément possible ou encore je vous dirigerai vers des lectures complémentaires.
C’est avec plaisir que je débute avec une introduction sur l’histoire des vins secs du Douro. On pense souvent que seulement des Portos ont été produits dans cette région, mais au contraire, le vin sec a couvert une plus longue période de production parmi ces collines. Aujourd’hui il revient en force volant souvent la vedette aux Porto Vintage lors de nouveaux arrivages.
Vins secs du Douro
Depuis environ une dizaine d’années, mais surtout depuis les 5 dernières, une grande révolution se passe dans les vignobles du Douro au Portugal. Plusieurs producteurs réputés pour leurs Portos se lancent dans l’aventure de la production de vins secs et quelques propriétaires de vignobles qui auparavant vendaient leurs raisins, ont décidé de mettre à profit leur matière première et de fonder leur compagnie vinicole avec le vin sec comme bannière de la compagnie.
Avant les années 50, tout ce que les gens connaissaient du Portugal comme vin outre leurs Portos se réduisaient probablement au Mateus Rosé produit par la compagnie Sogrape. Il y avait des vins secs de vinifiés, mais ils étaient en général des vins verts et insipides avec des tannins durs produits à partir de restants de raisins pour satisfaire la demande en vins de tables. C’est en 1952 qu’une nouvelle ère débuta dans les vignobles du Douro. Ce fut la première année que la maison Ferreira commercialisa un Barca Velha produit à partir de vignes classifiées A, la plus haute distinction de qualité pour des vignes dans le Douro. Normalement ces vignes sont destinées à la production du Vintage. Fernando Nicolau D’Almeida, le vinificateur à l’époque s’était payé une visite à Bordeaux pour y étudier les techniques de production des vins secs. Malgré la reconnaissance que le Barca Velha trouva sur le marché, le vin se vendait le même prix que Vega Sicilia alors grande vedette de l’Espagne, il resta tout de même isolé. La DOC pour les vins secs du Douro fut finalement créée en 1979, ce qui aida les producteurs dans leurs démarches. Ce n’est pourtant qu’au début des années 90, après quelques années d’expérimentation durant les années 70 et 80, que d’autres compagnies se lancèrent dans la production de vins de table d’une grande qualité. Il est clair qu’une entreprise qui a du succès à vendre tous ses Portos à bons prix ne risquerait pas l’aventure du vin. « Du vin pour les gars, du Porto pour les hommes » est une phrase qui sortait souvent de la bouche de ceux qui ne voulaient pas « gaspiller » de bons raisins à la production de vins secs. Les maisons comme Quinta do Cotto et Ramos Pinto furent parmi les premières à suivre ce que Barca Velha avait engendré.
Aujourd’hui, l’approche a totalement changé avec les vins du Douro longtemps dans l’ombre des grands Vintage. On pousse énormément au niveau du marketing pour les faire découvrir aux amateurs. Il y a même un regroupement de producteur qui se nomme les Douros Boys qui organisent des dégustations à travers le monde pour promouvoir la qualité de leurs vins du Douro. L’IVP qui réglementait seulement les Portos portent depuis 2003 le nom de I’IDVP pour réglementer les vins secs aussi.
Plusieurs producteurs du Douro ont déjà prouvé qu’il est possible de produire du grand vin dans ces collines schisteuses, par contre, les quantités sont, pour la plupart des vins, très petites. Les premiers pas ont été faits dans la bonne direction. Il reste maintenant à augmenter la qualité générale des vins sous les 20 dollars pour attirer plus d’amateurs vers cette région et les fidéliser comme l’Australie et le Chili ont su le faire rapidement au cours des dernières années.
Ce qui est ironique avec la popularité actuelle des vins secs du Douro, c’est que la majorité des gens sont surpris de voir du vin sec produit dans le pays du Porto, un vin fortifié. En fait c’est un retour aux racines. Les premiers vins de Porto étaient en fait des vins très secs. Depuis l’arrivée des vignes au Portugal par les romains autour du 3ème siècle après Jésus-Christ et jusqu’à un millésime très chaud, on pense qu’il s’agirait de 1820, les vins dans la région du Douro étaient vinifiés en sec. Par la suite certains lui ajoutaient des baies noires, sucre, alcool, raisins espagnols et autres ingrédients pour tenter par tous les moyens de plaire aux anglais en manque de « clarets » français car à partir de 1708, ils leurs étaient impossible d’en importer dû à la guerre entre les deux pays. Ce fut cette guerre qui déclancha littéralement le commerce du vin de Porto vers l’Angleterre. Les marchands anglais qui étaient déjà bien établis pour le commerce de la laine, se lancèrent dans l’aventure.
À travers l’histoire, on note dès de le début du 18ème sciècle que des marchands ajoutaient une bonne dose de Brandy, environ 40 litres par baril pour protéger le vin lors du long voyage vers l’Angleterre. Les vins étaient alors vinifiés très secs et l’alcool était ajoutée une fois la fermentation terminée, donc cela n’en faisait pas des vins plus sucrés au goût. On raconte aussi, sans qu’on puisse le confirmer, qu’un moine de Lamego en 1678, aurait fait la démonstration à deux marchands de Liverpool que si l’on ajoutait de l’alcool fort durant la fermentation, on tuait les levures et l’on gardait une partie du sucre naturel des raisins dans notre vin. Aujourd’hui l’histoire la plus plausible qui aurait mené à la création du Porto Vintage moderne serait que lors d’un millésime très chaud, probablement 1820, les teneurs en sucre dans le raisin étaient si élevées que les levures auraient cessé de travailler sans avoir transformé tout ce sucre en alcool lors de la fermentation, laissant donc un vin avec un sucre résiduel.
Le succès en Angleterre fut immédiat et on en redemandait. Comme les producteurs de Portos savaient bien qu’ils ne pourraient pas vinifier des vins de la sorte à toutes les années ils eurent l’ingénieuse idée d’ajouter de l’alcool lors de la fermentation pour tuer les levures et les empêcher de transformer tout le sucre en alcool. Les méthodes à l’époque n’étaient pas très à point, on y ajoutait encore plusieurs autres ingrédients pour arriver à nos fins. C’est à partir de ce moment, vu la nouvelle popularité de ce vin fortifié de Porto que tranquillement la disparition non sans résistance du vin sec dans le Douro déclina et que de nouvelles lois pour entourer la production de vin fortifié furent édifiées. C’est le Barron de Forrester, réputé pour ses travaux de cartographies dans la région, qui était le plus grand opposant de cette nouvelle technique préférant garder son vin sec. À l’époque il décriait la dénaturation du vin dans un manuscrit qu’il distribuait aux consommateurs pour leur expliquer les méthodes anti-terroirs que certains producteurs utilisaient pour donner la couleur et le goût sucré aux Portos. Malgré l’appui de plusieurs groupes et personnes importantes, ses idéaux furent enterré avec lui au fond du Douro et seront réveillés qu’un siècle plus tard par Fernando Nicolau D’Almeda, créateur du Barca Velha. Il aura fallu tout de même quelques années de plus pour raffiner les techniques de mutage et un control plus stricte des normes de vinifications du vin pour en arriver à la recette actuelle du Porto Vintage.
La renaissance du vin portugais vers la fin des années 90 est surtout du à plusieurs jeunes nouveaux vinificateurs qui, avec de l’expérience acquise de l’extérieur, ont su apporter de nouvelles techniques de vinifications dans le Douro. Il y a aussi eu des investissements de la communauté européenne qui ont stimulé la plantation de nouveaux vignobles et des « joint venture » avec des vignerons français qui ont apporté une autre vision pour le vin de table dans la région.
Bref, c’est avec le plus grand des plaisirs, tant pour l’amateur de vins que pour le producteur que l’on peut découvrir à nouveau ce qui pendant plusieurs siècles était l’essence du terroir dans le Douro : le vin sec. Saura-t-il reprendre la place qu’il avait autrefois et refaire le même coup qu’on lui a joué? J’en doute, mais une chose est certaine, il est là pour rester et son intérêt dans le vignoble et chez le consommateur ne cessera de croître.
La prochaine édition portera sur une revue de l’histoire de la maison Ferreira ainsi que certains détails sur leurs vins secs commercialisés sous la compagnie Casa Ferreirinha.
Frédérick Blais
Étant passionné et grand amateur de la région du Douro au Portugal, c’est avec plaisir que je vais tenter de vous faire découvrir périodiquement un nouvel aspect de cette magnifique région. Je vais essayer le plus possible d’écrire des textes assez courts rapportant l’essentiel de l’information. Je suis par contre très ouvert à vos questions qui découleront de mes textes et je vous répondrai le plus précisément possible ou encore je vous dirigerai vers des lectures complémentaires.
C’est avec plaisir que je débute avec une introduction sur l’histoire des vins secs du Douro. On pense souvent que seulement des Portos ont été produits dans cette région, mais au contraire, le vin sec a couvert une plus longue période de production parmi ces collines. Aujourd’hui il revient en force volant souvent la vedette aux Porto Vintage lors de nouveaux arrivages.
Vins secs du Douro
Depuis environ une dizaine d’années, mais surtout depuis les 5 dernières, une grande révolution se passe dans les vignobles du Douro au Portugal. Plusieurs producteurs réputés pour leurs Portos se lancent dans l’aventure de la production de vins secs et quelques propriétaires de vignobles qui auparavant vendaient leurs raisins, ont décidé de mettre à profit leur matière première et de fonder leur compagnie vinicole avec le vin sec comme bannière de la compagnie.
Avant les années 50, tout ce que les gens connaissaient du Portugal comme vin outre leurs Portos se réduisaient probablement au Mateus Rosé produit par la compagnie Sogrape. Il y avait des vins secs de vinifiés, mais ils étaient en général des vins verts et insipides avec des tannins durs produits à partir de restants de raisins pour satisfaire la demande en vins de tables. C’est en 1952 qu’une nouvelle ère débuta dans les vignobles du Douro. Ce fut la première année que la maison Ferreira commercialisa un Barca Velha produit à partir de vignes classifiées A, la plus haute distinction de qualité pour des vignes dans le Douro. Normalement ces vignes sont destinées à la production du Vintage. Fernando Nicolau D’Almeida, le vinificateur à l’époque s’était payé une visite à Bordeaux pour y étudier les techniques de production des vins secs. Malgré la reconnaissance que le Barca Velha trouva sur le marché, le vin se vendait le même prix que Vega Sicilia alors grande vedette de l’Espagne, il resta tout de même isolé. La DOC pour les vins secs du Douro fut finalement créée en 1979, ce qui aida les producteurs dans leurs démarches. Ce n’est pourtant qu’au début des années 90, après quelques années d’expérimentation durant les années 70 et 80, que d’autres compagnies se lancèrent dans la production de vins de table d’une grande qualité. Il est clair qu’une entreprise qui a du succès à vendre tous ses Portos à bons prix ne risquerait pas l’aventure du vin. « Du vin pour les gars, du Porto pour les hommes » est une phrase qui sortait souvent de la bouche de ceux qui ne voulaient pas « gaspiller » de bons raisins à la production de vins secs. Les maisons comme Quinta do Cotto et Ramos Pinto furent parmi les premières à suivre ce que Barca Velha avait engendré.
Aujourd’hui, l’approche a totalement changé avec les vins du Douro longtemps dans l’ombre des grands Vintage. On pousse énormément au niveau du marketing pour les faire découvrir aux amateurs. Il y a même un regroupement de producteur qui se nomme les Douros Boys qui organisent des dégustations à travers le monde pour promouvoir la qualité de leurs vins du Douro. L’IVP qui réglementait seulement les Portos portent depuis 2003 le nom de I’IDVP pour réglementer les vins secs aussi.
Plusieurs producteurs du Douro ont déjà prouvé qu’il est possible de produire du grand vin dans ces collines schisteuses, par contre, les quantités sont, pour la plupart des vins, très petites. Les premiers pas ont été faits dans la bonne direction. Il reste maintenant à augmenter la qualité générale des vins sous les 20 dollars pour attirer plus d’amateurs vers cette région et les fidéliser comme l’Australie et le Chili ont su le faire rapidement au cours des dernières années.
Ce qui est ironique avec la popularité actuelle des vins secs du Douro, c’est que la majorité des gens sont surpris de voir du vin sec produit dans le pays du Porto, un vin fortifié. En fait c’est un retour aux racines. Les premiers vins de Porto étaient en fait des vins très secs. Depuis l’arrivée des vignes au Portugal par les romains autour du 3ème siècle après Jésus-Christ et jusqu’à un millésime très chaud, on pense qu’il s’agirait de 1820, les vins dans la région du Douro étaient vinifiés en sec. Par la suite certains lui ajoutaient des baies noires, sucre, alcool, raisins espagnols et autres ingrédients pour tenter par tous les moyens de plaire aux anglais en manque de « clarets » français car à partir de 1708, ils leurs étaient impossible d’en importer dû à la guerre entre les deux pays. Ce fut cette guerre qui déclancha littéralement le commerce du vin de Porto vers l’Angleterre. Les marchands anglais qui étaient déjà bien établis pour le commerce de la laine, se lancèrent dans l’aventure.
À travers l’histoire, on note dès de le début du 18ème sciècle que des marchands ajoutaient une bonne dose de Brandy, environ 40 litres par baril pour protéger le vin lors du long voyage vers l’Angleterre. Les vins étaient alors vinifiés très secs et l’alcool était ajoutée une fois la fermentation terminée, donc cela n’en faisait pas des vins plus sucrés au goût. On raconte aussi, sans qu’on puisse le confirmer, qu’un moine de Lamego en 1678, aurait fait la démonstration à deux marchands de Liverpool que si l’on ajoutait de l’alcool fort durant la fermentation, on tuait les levures et l’on gardait une partie du sucre naturel des raisins dans notre vin. Aujourd’hui l’histoire la plus plausible qui aurait mené à la création du Porto Vintage moderne serait que lors d’un millésime très chaud, probablement 1820, les teneurs en sucre dans le raisin étaient si élevées que les levures auraient cessé de travailler sans avoir transformé tout ce sucre en alcool lors de la fermentation, laissant donc un vin avec un sucre résiduel.
Le succès en Angleterre fut immédiat et on en redemandait. Comme les producteurs de Portos savaient bien qu’ils ne pourraient pas vinifier des vins de la sorte à toutes les années ils eurent l’ingénieuse idée d’ajouter de l’alcool lors de la fermentation pour tuer les levures et les empêcher de transformer tout le sucre en alcool. Les méthodes à l’époque n’étaient pas très à point, on y ajoutait encore plusieurs autres ingrédients pour arriver à nos fins. C’est à partir de ce moment, vu la nouvelle popularité de ce vin fortifié de Porto que tranquillement la disparition non sans résistance du vin sec dans le Douro déclina et que de nouvelles lois pour entourer la production de vin fortifié furent édifiées. C’est le Barron de Forrester, réputé pour ses travaux de cartographies dans la région, qui était le plus grand opposant de cette nouvelle technique préférant garder son vin sec. À l’époque il décriait la dénaturation du vin dans un manuscrit qu’il distribuait aux consommateurs pour leur expliquer les méthodes anti-terroirs que certains producteurs utilisaient pour donner la couleur et le goût sucré aux Portos. Malgré l’appui de plusieurs groupes et personnes importantes, ses idéaux furent enterré avec lui au fond du Douro et seront réveillés qu’un siècle plus tard par Fernando Nicolau D’Almeda, créateur du Barca Velha. Il aura fallu tout de même quelques années de plus pour raffiner les techniques de mutage et un control plus stricte des normes de vinifications du vin pour en arriver à la recette actuelle du Porto Vintage.
La renaissance du vin portugais vers la fin des années 90 est surtout du à plusieurs jeunes nouveaux vinificateurs qui, avec de l’expérience acquise de l’extérieur, ont su apporter de nouvelles techniques de vinifications dans le Douro. Il y a aussi eu des investissements de la communauté européenne qui ont stimulé la plantation de nouveaux vignobles et des « joint venture » avec des vignerons français qui ont apporté une autre vision pour le vin de table dans la région.
Bref, c’est avec le plus grand des plaisirs, tant pour l’amateur de vins que pour le producteur que l’on peut découvrir à nouveau ce qui pendant plusieurs siècles était l’essence du terroir dans le Douro : le vin sec. Saura-t-il reprendre la place qu’il avait autrefois et refaire le même coup qu’on lui a joué? J’en doute, mais une chose est certaine, il est là pour rester et son intérêt dans le vignoble et chez le consommateur ne cessera de croître.
La prochaine édition portera sur une revue de l’histoire de la maison Ferreira ainsi que certains détails sur leurs vins secs commercialisés sous la compagnie Casa Ferreirinha.
Frédérick Blais